Généralités | Le séjour sportif | Masahiro Nakamoto | Haruyoshi Shimabukuro | Zeneï Oshiro | Morio Higaonna |
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Ce n’est pas un scoop, le Karate à Okinawa fait partie intégrante de la culture locale et les Dojo de l’île se situent essentiellement à Naha et ses environs proches. Il y en aurait un peu plus de 200 pour environ 300 Sensei ou Maîtres. Il existe quelques grandes structures mais la majorité des Dojo sont des salles de petites dimensions qui peuvent à peine accepter une vingtaine de pratiquants.
Les principales caractéristiques sont les portraits généalogiques des Maîtres propres à la discipline depuis son origine à aujourd’hui affichés à une place de choix, des plaquettes de bois d’environ 3cm sur 20 sur lesquelles sont gravés le nom et les différents grades (suivi de leurs évolutions) des pratiquants les ayant passées dans ces Dojo, du matériel de renforcement et... un plancher nu où roulades et projections sont effectuées sans retenue. Avis à nos Karateka quelque peu « douillets », nul besoin de tapis rembourrés pour oser chuter ou faire des « galipettes ».
Ces petits Dojo, sont, pour la plupart, à peine visibles de la rue et, quand ils le sont, il n’est pas évident de les reconnaître. Une petite enseigne, parfois, les signale mais c’est loin d’être le cas pour tous. Il est vrai qu’ils sont connus des autochtones alors, pourquoi en faire la pub. Très souvent, une annexe est improvisée sur les nombreuses terrasses des maisons et il n’est pas rare de voir, depuis le monorail, un groupe de Karateka s’entraîner sur celles-ci.
A Okinawa, je n’ai pas eu connaissance d’une quelconque animosité ou concurrence entre les Sensei d’une même école (j’entends par là même discipline ou « Ryu ») ou d’écoles différentes. D’ailleurs, une à deux fois par an, les maîtres, toutes disciplines confondues, se réunissent et débattent sur l’avenir des arts martiaux d’Okinawa. Aux dires de ceux rencontrés, il apparaitrait qu’ils se soient entraînés les uns avec les autres et auraient partagé leurs savoirs.
Si vous cherchez un Dojo où notre « Karate Shotokan » est enseigné, vous risquez fort d’être déçus. Le « Shotokan » est exclusivement japonais, non méconnu des Maîtres okinawaïens, mais il semblerait qu’il n’ait pas une très grande popularité sur l’île...
La rencontre avec des Maîtres de Karaté d’Okinawa comme Masahiro Nakamoto (Kancho - 10ème Dan) ou Morio Higaonna (Hanshi - 10ème Dan) ou encore Haruyoshi Shimabukuro (Kyoshi - 8ème Dan) et Sensei Zenei Oshiro (8ème Dan) laisse des traces ineffaçables à ceux qui ont eu la chance de croiser leur chemin ou mieux, travailler avec eux.
Avril 2015 fut une période magique. Travailler avec des Maîtres de cette trempe est une expérience formidable à tout point de vue. Pratique (en temps que pratique du Karaté-do) forcement mais d’un point de vue humain c’est sans commune mesure avec ce que je connais des « maîtres français ». Je le savais déjà mais aujourd’hui je comprends mieux ce que veut dire « Humilité », « Gentillesse », « Sincérité » et j’en passe. J’ai trouvé dans le regard de ces quelques personnes hors du commun ce que je n’ai jamais ressenti lors des stages de nos experts fédéraux. Si quelques uns, pas tous car je connais des pratiquants de haut niveau honnêtes et ceux-là savent très bien qu’ils ne sont pas concerné par cette remarque désobligeante d’un « petit karateka », lisent ses lignes et bien... qu’ils méditent et redescendre sur terre.
Ce séjour (sportif) trop court, fut, somme toute, très mouvementé. Dès le matin, réveil à 5h 40 précisément et après avoir bu rapidement un petit café, Moncef Abdelwahed (notre accompagnateur), ma compagne et moi sortions de l’hôtel pour effectuer un petit footing d’une demi-heure suivi d’une séance d’étirements et d’exécutions de Kata afin de dérouiller notre corps quelque peu endolori de la veille. Quelque fois, très rarement, une autre personne du groupe venait se joindre à nous pour ce petit périple matinal d’environ une heure. C’était très agréable de courir le long de la grève. A l’aurore, il faisait déjà bon et les parfums de fleurs envahissaient doucement ces lieux, nous faisant « oublier » les petites raideurs. De retour à l’hôtel, après la douche, nous prenions notre petit déjeuner qui n’avait vraiment rien de frugal. L’air pur matinal nous ouvrait décidément l’appétit. Soupe miso, soba, goya champuru, légumes divers en salade, plats chauds à base principalement de porc et de riz, le tout servi copieusement (pour ce qui me concernait) avec jus de fruit (orange, pamplemousse, shikuwasa,...) et l’indispensable café.
La journée se découpait essentiellement en cinq parties.
La première commençait immanquablement à 5h40 et pouvait se schématiser par : douche, une heure de réveil musculaire, douche, petit-déjeuner et préparation de nos sacs de sport. (Lire ce passage)
La seconde commençait par une « marche rapide » d’une vingtaine de minutes pour atteindre le monorail nous emmenant au Dojo de Sensei Masahiro Nakamoto pour notre cours quotidien de Kobudo d’Okinawa. Celui-ci débutait à 9h pour se terminer à 10h30, enfin selon la norme okinawaïenne. Seul le commencement du cours était précis. Nous quittions les lieux vers 11h30 et parfois midi pour rejoindre le resto du déjeuner, près de Makishi, par le monorail.
La troisième, que j’appellerais notre « repos du corps » s’ébauchait donc à ce restaurant d’aspect chic et surtout très calme. Nous étions bien installés et les repas servis, excellents. Après s’être restaurés, nous nous séparions pour utiliser notre temps à notre convenance. Visites des quartiers de Naha, de parcs magnifiques en parcs somptueux, de temples en sanctuaires, etc. La ville et ses abords n’étant pas si étendus, il arrivait parfois que nous nous croisions et poursuivions ensemble nos périples. Retour à l’hôtel pour 17h30 au plus tard afin d’organiser notre soirée.
La quatrième recommençait par cette marche, mais plus cool (nettement plus cool), pour prendre le monorail et rejoindre le Dojo de Sensei Morio Higaonna dans le quartier de Tsuboya, non loin de la station « Makishi ». Nous y arrivions un peu avant 19h et « attendions patiemment notre tour ». il ne tardait pas à arriver et nous reprenions une petite suée de quelques heures.
La cinquième et dernière partie commençait aléatoirement aux (larges) environs de 22h30. Re-marche d’une demi-heure pour rejoindre Le Jiman-Ya à Makishi pour un souper extraordinaire, chaque jour différent, dans une ambiance jeune et sympathique. Après le repas, nous rejoignions notre cher hôtel à pied, enfin pour ceux qui pouvaient encore mettre un pied devant l’autre et en taxi pour les autres. Cette petite marche « digestive » n’était pas trop propice à de grandes discutions et nous passions ces ¾ d’heures à imaginer la douceur de notre lit.
Certains internautes seront certainement un peu déçus de ne pas voir de photos ou films des entraînements. Il y a deux raisons à cela :
- La première raison est que les techniques enseignées au sein des Dojo n’étaient pas autorisées, par les Sensei, à être photographiées et encore moins filmées. D’autant plus que pour les derniers cours, ils nous firent voir et travailler quelques secrets d’école... SUPER.
- La seconde, ne pouvant être au four et au moulin, la préférence fut sans contexte de mouiller le Karategi avec les élèves voire les Maîtres eux-mêmes.
Les quelques clichés retenus ici, ne furent autorisés que ponctuellement. Ne soyez pas trop chagrinés de ce manque, Internet regorge de vidéos et interviews qui combleront aisément ce manque.
Si Okinawa héberge environ 300 Sensei, plus ou moins connus, il existe quelques figures incontournables des Arts martiaux de cette petite île. Maître Masahiro Nakamoto fait parti de ces êtres d’exceptions qui se battent pour la préservation de la culture propre aux Ryu-kyu. Les Nakamoto sont connus à Okinawa depuis très longtemps. Le royaume des Ryu-kyu fut gouverné par la dynastie des Sho pendant plus de 400 ans (de 1470 à 1879) et la famille royale était très liée à celle des nobles Nakamoto. D’ailleurs ce statut a permis à Masahiro de conserver précieusement dans son musée personnel des documents originaux uniques au monde.
Si le Kobudo qu’il enseigne remonte à Sakugawa Kanga (1786-1867), ce n’est pas le seul lien qui unit les deux familles. En effet sa grand-mère n’est autre qu’une descendante des Sakugawa.
Quand au Karate, sa généalogie martiale remonte à Matsumura Sokon (1809-1899).
Masahiro Nakamoto est né le 15 janvier 1938 à Shuri et étudia le Karate sous la férule de Chibana Choshin et Nakama Chozo et le Kobudo d’Okinawa avec Taira Shinken. Pour cette dernière discipline il fût également guidé par les Maîtres Hohan Soken, Uehara Seikichi ou encore Maeshiro Chotoku.
Il est actuellement Hanshi 10ème Dan, Kancho de l’association de préservation de l’Art du Kobudo traditionnel d’Okinawa et est qualifié de trésor national par la préfecture d’Okinawa. Il est aussi à la tête de la société de préservation du Shuri-Te dans le monde.
A par cela, c’est un excellent peintre dont ses œuvres ont pu être exposés à Paris dans les années 80. La calligraphie fait également partie de ses compétences et il est auteur de plusieurs livres traitant étrangement du Karate-do et du Kobudo d’Okinawa.
Lors de la visite du musée personnel de Sensei Nakamoto, de nombreux écrits du Roi nous furent cérémonieusement présentés ainsi que des documents attestant de ses liens de parentés avec Sakugawa Kanga (1786-1867). Il nous montra un rouleau interminable calligraphié par le Roi des Ryu-kyu qui décrit l’importance de protéger les Arts Martiaux et le Kobudo d’Okinawa, signés des plus grands maîtres : Chibana Shochin (1885-1969), Higa Seiko (1898-1966), Hohan Soken (1889-1982), Chinen Masami (1898-1976), Nagamine Shoshin (1907-1997), Higa Yuchoku (1910-1994), Yagi Meitoku (1912-2003), Uechi Kanei (1911-1991)
Que dire de ce musée si ce n’est un trésor de connaissances s’étalant sur plusieurs siècles. Des cartes anciennes sur le commerce avec les pays proches, des scripts uniques dont celui dans lequel Matsumura Sokon expose sa vision des Arts Martiaux et des premiers principes du Budo tel que le respect, la fraternité, l’attitude au combat et dans la vie, la non-violence et sa vision sur la recherche martiale.
Les armes du Kobudo d’Okinawa, Nunchaku, Tonfa, Bô, Kama, Houe (Kue), Sai, Tekko, Tinbe (ou Timbe), Suruchin sont présentés depuis leur origine à leur représentation actuelle. De nombreuses versions existent sur l’origine du Nunchaku et il semblerait que celle d’Okinawa n’était autre que le Hackamore de l’époque, servant à guider les chevaux (Voir cette page).
Si le Kobudo enseigné au Bunbukan, Dojo personnel de Maître Nakamoto, regroupe l’ensemble des armes citées plus haut, c’est le Nunchaku que Masahiro préfère manier aujourd’hui. Son niveau de pratique a largement dépassé les frontières du Japon. Il organise régulièrement des séminaires, des démonstrations dans le monde entier et il semblerait que son fils Mamuru, actuellement 8ème Dan de Kobudo et quatre fois champion du monde, suit les traces de son père.
La maison de Masahiro Nakamoto est une demeure sur trois étages dont le dernier est consacré à son extraordinaire musée privé. La terrasse au tout dernier niveau est un ensemble de trois plateformes où j’ai eu la chance de suer comme un malade en compagnie des anciens (et experts) formidables dans leur comportement humble, leur aide sans limite, leur gentillesse et patience.
Si les cours en semaine étaient des cours particuliers sous la férule des Nakamoto père et fils et de Kyan Morikazu, le week-end nous profitions des enseignements en compagnie des habitués du Dojo.
Chaque jour, après l’entraînement, nous suivions un rituel constitué de deux étapes.
- Des balais en paille de riz dont le manche d’une taille réduite à 50 ou 60 cm étaient mis à disposition pour balayer le plancher du Dojo. Chose extraordinaire, Maître Nakamoto (10ème Dan) en personne prenait le premier un balai et, courbé, nous ouvrait la voie du nettoyage. Cette « cérémonie du petit balai », nous forçant à être plié en deux, outre le fait de purifier les lieux, était là pour nous montrer l’importance d’une des vertus qu’un pratiquant doit posséder, l’humilité et ce, quelque soit son grade ou sa position sociale... A méditer.
- Après avoir installé des tables basses, encore le Maître et son fils, nous étions conviés à nous asseoir, à même le sol, afin de partager quelques friandises locales en papotant de tout et de rien. C’était réellement un moment privilégié ou de nombreux sujets traitant des arts martiaux ou de la vie en général sur l’ile étaient traités. Ces petits moments, ou même la frontière de la langue ne semblait pas être un obstacle, nous fit découvrir un personnage raffiné, drôle (cocasse parfois), à l’esprit vif sachant réduire à néant la différence de niveau entre Maîtres et disciples.
Ici nous avons eu droit à une pâtisserie locale à base de pâte de haricot (non pas BEURK..., c’était vraiment délicieux) et possédant un Kanji particulier, signe de bienvenue, prospérité et de bonheur. Elles nous ont été servies cérémonieusement sur des feuilles de Gettô, espèce cousine du gingembre et cultivée à Okinawa pour ses vertus « miraculeuses ».
La remise de diplôme calligraphié par Masahiro Nakamoto est un moment solennel, émouvant mais non sans humour.
Sur la première photo, votre serviteur est entouré à sa droite de Kyan Morikazu (8ème Dan de Kobudo et de Shuri-te) et à sa gauche de Mamuru Nakamoto (8ème Dan de Kobudo et de Shuri-te).
Le Shokusaikan proche du Shintoshin Park à Naha.
Restaurant très « cuisine locale » où les mets présentés sont réellement excellents. Nakamoto Sensei invita notre groupe à déguster le déjeuner, après un entrainement très corsé façon « café du Pas-de-Calais », dans ce lieu que je recommande à tous. Vous y confectionnez votre propre menu à partir des ingrédients exposés pour ressortir de ce restaurant le ventre plein aussi bien de nourritures que de bonnes manières.
Karaté Bushido est à l’origine d’un très beau reportage dans le Dojo de Masahiro Nakamoto.
Shimabukuro Haruyoshi est une figure incontournable à Okinawa. Il est 8ème Dan de Uechi-ryu, suivant la branche du Soke Kanmei Uechi. Son enseignement est réputé au niveau des Kumite et a formé de nombreux champions. Sensei Haruyoshi Shimabukuro participe à quelques stages annuels en France.
Se rendre au Naha Minami Shubukan, Dojo de Maître Shimabukuro, n’a pas été sans mal. Nous y arrivâmes à partir d’une simple adresse et d’un chauffeur de taxi zélé qui, par chance pratiquait l’Uechi-ryu et connaissait très bien Haruyoshi Shimabukuro. Avec gentillesse et humour ce chauffeur, non seulement nous y amena, après tout c’était son boulot, mais nous donna patiemment toutes les explications nécessaires pour atteindre le Dojo situé dans une petite ruelle où les voitures (même de largeur réduite) avait un peu de mal à se frayer un passage.
Une cour intérieure, délimitée par les murs de petits ‘immeubles’, puis un étroit et sinueux escalier de béton vieillot nous firent découvrir cette petite salle d’entraînement, somme toute, bien équipée. A Okinawa, nous n’entrons pas dans un Dojo sans avoir été préalablement recommandé aussi, pendant que notre « porte parole » négociait notre admission, nous allâmes attendre sur la terrasse pour découvrir Naha qui s’étalait à nos pieds.
L’accueil un peu froid, des premiers instants, se transformât rapidement en échanges chaleureux et sympathiques. Là aussi, nous nous entraînâmes avec des gens souriants, respectueux, attentifs. Maîtres Haruyoshi Shimabukuro, d’aspect un peu rustre, s’avéra être un enseignant particulièrement soucieux de notre « bien-être ». Pendant les deux soirs passés dans son Dojo, il nous fît découvrir les bases de son Art : le Uechi-ryu. Nous étions, en tout et pour tout, une quinzaine d’élèves (nous étions déjà huit dans notre groupe de français) et la place pour travailler était un peu étroite.
J’ai été surpris de voir le fonctionnement du Dojo. Sans jamais omettre un rituel (en Seiza, d’entrée et de sortie) les élèves vont et viennent, suivent les directives en cours ou exécutent des séries très longues sur les Makiwara ou tout autres séries d’exercices qui leur sont propres. L’impression première est que le Dojo est ouvert « en permanence » et que les pratiquants profitent d’un moment de libre pour parfaire leurs techniques.
Dès le premier soir, à partir de déplacements en Sanchin-dachi et torse nu, Maître Shimabukuro nous invita à prendre deux Kami appariés afin de nous faire connaître une des multiples façons de renforcer son corps. Une petite demi-heure et quelques coups de place en place, pour forcer l’enracinement au sol et une bonne contraction musculaire, plus tard et s’était le renforcement des bras qui prenait la suite. Le fameux « Kote-kitae ». Soto-uke, Uchi-uke et Gedan-barai, bras contre bras avec comme partenaire les habitués du Dojo - DUR mais exceptionnel car aucune brutalité malsaine. Les bleus apparurent pendant la nuit. Nous vîmes les techniques de base et le Kata (très physique) Sanchin. Que de bons souvenirs...
Il est né le 26 décembre 1953 dans un quartier de Naha à Okinawa. Zeneï Oshiro est actuellement 8ème Dan de Karate Goju-ryu et 8ème Dan de Kobudo de l'école du Maître Matayoshi et est le plus haut gradé en France dans ce style.
Fils de commerçant, il n’a pas grandi dans une famille férue de Karate et c’est seulement vers 15 ans qu’il commence le Goju-ryu sous la tutelle de Maître Eiichi Miyazato (1922-1999), un des professeurs les plus réputés de l'île. Ce dernier fut l'un des élèves direct de Maître Chojun Miyagi (1888-1953), le fondateur de cette école. A 15 ans sa motivation était d’apprendre la self-défense. Dans les années 60 l’apprentissage était très rude. La recherche de l’efficacité était de mise et les techniques, répétées des heures et des heures. Le renforcement physique avec ou sans les instruments traditionnels (Chishi, Kami, Makiwara,...) était régulier. A y bien réfléchir je n’ai pas eu l’impression que les entraînements aient beaucoup changés depuis cette période.
A 18 ans, Zeneï Oshiro se lance dans l'étude du Kobudo avec Maître Shinpo Matayoshi (1921-1997) sans pour autant réduire sa pratique du Karate et, deux ans plus tard, entre à l'université. Il devient alors l'élève en Karate de Maître Seikichi HIGA (1927-1999), fils du Maître Seiko HIGA (1898-1966). Il suit maintenant l'enseignement de Maître Choyu Kiyuna (1931-), Hanshi depuis 1992 et actuellement 10ème Dan.
À 25 ans, Maître Oshiro part pour l'Allemagne où il enseignera pendant 4 ans à Düsseldorf avant de retourner à Okinawa. Finalement, en novembre 1986, Maître Oshiro décide de revenir en Europe et, avec sa femme, s’installe en France où il réside depuis lors.
Maître Oshiro est actuellement LE responsable du Karate Goju-ryu à la Fédération Française de Karaté (FFKDA) et le représentant de l'école Shodokan pour toute l'Europe. Il est l'expert technique de nombreux Dojo en Europe et au delà : Portugal, Suisse, Italie, Russie et dans toute la France (Normandie, Centre, Aquitaine, Île de France, Provence Alpes Côte d'Azur, et bien sur en Alsace... où l'on trouve 3 dojos : à Wintzenheim, Ingersheim et à Munster). Il retourne régulièrement sur son île natale où il continu son perfectionnement avec Maître Kiyuna. C’est de ce dernier qu’il a appris le relâchement musculaire et la notion de souplesse de l’esprit qui lui faisait défaut dans ses débuts.
Notre rencontre eut lieu grâce à un de ses nombreux passages sur l’île et il accepta de nous rencontrer à l’hôtel où nous résidions. C’est une personne très sympathique, joviale, cultivée, ouverte à toutes discussions et d’une humilité extraordinaire, à l’image des autres Maîtres que nous avons eu la chance de côtoyer pendant notre séjour. Les quelques heures passées en sa compagnie furent très enrichissantes. Sa pratique, l’histoire du Goju-ryu à travers les temps ou du Kobudo, l’avenir du Karate-do au Japon et en France, ses craintes sur une évolution plus sportive qu’il essai de réfréner tant bien que mal,... furent les nombreux sujets abordés.
Il est né à Naha sur l’île d’Okinawa le 25 décembre 1938 et c’est son père qui l’initia au Karate (branche Shorin-ryu) vers l’âge de 14 ans. Deux ans plus tard c’est sous la direction de An’ichi Miyagi (1931-2009) qu’il commença l’apprentissage du Goju-ryu (branche Shorei-ryu). Morio Higaonna, élève assidu, ne ratait aucun moment pour parfaire sa technique. A cette époque tous les anciens se sentaient concernés par la progression des plus jeunes élèves et Maître Higaonna a su profiter grandement de leur expérience. L’après-midi, il s’entraînait au collège pendant deux heures et le soir il poursuivait son éducation dans le jardin de Chojun Miyagi (1888-1953), fondateur du Goju-ryu.
En 1960, il obtint le Sandan (3ème Dan) lors des premiers passages de Dan à Okinawa. C’est cette année là qu’il parti étudier le commerce à Tokyo à la célèbre université privée de Takushoku fondée en 1900 par le prince Taro Katsura (1848-1913). Il enseigna quelques temps le Goju-ryu au Dojo Yoyogi de Tokyo où de nombreux Karateka, japonais et étrangers, furent très impressionnés par sa maîtrise et firent grimper sa renommée.
En 1972, pour la 2ème édition des championnats du monde de Karate à Paris (la 1ère : Tokyo - 1970), Morio Higaonna fut invité à exécuter une démonstration de Goju-ryu. Dès lors, il fut propulsé au devant de la scène et, à la demande de ses élèves étrangers, la Fédération Internationale de Karate-do Goju Ryu d'Okinawa (IOGKF), vit le jour en 1979 à Poole, Angleterre. Aujourd’hui c’est plus de 50 pays qui adhèrent à cette fédération.
Pour ce qui est de ses formateurs, il n’eut pratiquement qu’An’ichi Miyagi et c’est au Dojo Jundokan de Naha que Morio Higaonna eut ses premiers « véritables cours ». An'ichi insistait fortement sur d’infimes détails mais c’était l’essence même des secrets du Goju-ryu. Les entraînements étaient très durs et la discipline également. Bien plus tard, pour compléter sa formation, il s’initia à la méditation Zen sous la férule du prêtre Sakiyama.
Morio Higaonna, Hanshi 10ème Dan, est considéré comme étant le plus grand Maître de Karate Goju-ryu dans le monde et, à ce titre, a été promu Trésor Culturel Vivant en 2013. Son Dojo dans le quartier de Makishi à Naha, particulièrement bien connu grâce à un documentaire télévisé (par la BBC) en 1982, est entièrement consacré à la conservation du Karate Goju Ryu d’Okinawa. Les Kata et leurs applications en sont les piliers et il essai de les conserver dans leur mouture originelle. Il est l’auteur de quelques vidéos et livres extraordinaires sur l’histoire du Guju-ryu et principalement sur le Karate-do Traditionnel d’Okinawa.
Selon Donn F. Draeger (1922-1982), Morio Higaonna serait « l'homme le plus dangereux du Japon dans un combat réel. »
Aujourd’hui encore il organise des séminaires et démonstrations dans de nombreux pays dont la France. Les Etats-Unis le sollicitent régulièrement pour intervenir dans les nombreux Dojo.
Quand nous somme arrivés dans son Dojo, ses assistants nous ont reçus chaleureusement. Il est vrai que Moncef, venant régulièrement à Okinawa, était déjà connu. Nous apprîmes que Sensei Higaonna se remettait difficilement d’un grave incident cardiaque survenu fin 2014 et que, convalescent, il n’avait pas remis les pieds dans son Dojo depuis plus de 3 mois. Moncef alla immédiatement chez lui prendre des nouvelles et, évidemment, lui demander l’autorisation de suivre les entraînements avec ses disciples.
Nous avions à peine terminé l’échauffement qu’à la stupeur générale, Maître Higaonna, quelque peu chancelant, apparu à l’entrebâillement de la porte d’entrée.
Il vint nous saluer avec déférence, l’un après l’autre, puis, après les présentations, il entreprit de nous exposer la généalogie de sa pratique. Cela a du durer deux bonnes heures. Il répondait le plus précisément possible en anglais à nos nombreuses questions. Son mal semblait fondre à vue d’œil et pris ensuite, le plus naturellement du monde, la direction du cours. Ce n’était plus le même individu, la vision du vieil homme chétif fit place à un Sensei plein de vigueur nous démontrant avec passion les rouages du Goju-ryu d’Okinawa. Il en fut ainsi pendant tout notre séjour. Trois mots résonnent encore dans ma tête en retraçant ces moments physiquement éprouvants mais d’une rare richesse : « One more time ». Chaque cours, inlassablement, il répétait ces mots jusqu’à ce que notre travail soit satisfaisant à ces yeux. La répétition fait parti de son enseignement et rien ne lui échappait. Une position trop haute, un écartement des jambes trop grand, un poing mal positionné, une tête mal alignée, une clé inadaptée, etc... quel dommage que le séjour ne dura que 15 jours. Les entraînements commençaient à 20h et finissaient, eh bien... quant-ils finissaient. Nous allions manger le soir très tard vers 11h30 ou minuit après une bonne suée.
Ses cours venaient clore une journée chaque fois bien remplie et sans me tromper c’étaient, indépendamment de la fatigue s’accumulant, les plus éprouvants mais peut-être aussi les plus riches à tout point de vue : technique, humain, respect, humilité, partage, courage...
Quelle leçon de vie Maître Higaonna nous a donné durant ces deux semaines passées auprès de lui, nous avions pratiquement oublié la fragilité de son état de santé... sa jovialité, sa gentillesse, son humilité étaient si fortes... de quoi pourrait-on se plaindre après cela. Merci Sensei.
Le travail est une chose sérieuse mais la bonne humeur est fondamentale. Maître Morio Higaonna ne perd pas une occasion de nous le montrer.
La leçon essentielle que Sensei Higaonna nous à donné avant notre départ, sous la forme d’un simple dessin, est, qu’il ne faut jamais abandonner. A toute situation désespérée, existe une solution...
Voici un reportage de 4 vidéos très intéressantes sur Morio Higaonna et le Goju-ryu.
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BBC : La British Broadcasting Corporation, fondée en 1922, est une société de production et de diffusion de programmes de radio-télévision britannique.
Budo : « Voie du combat » ou « voie du guerrier ». De BU = martial et DO = Voie. Désigne l'ensemble des arts martiaux japonais pratiqués en tant que Voies (Do ou Michi) éthiques, chemin de perfectionnement de l'homme en quête de soi-même.
Chishi : Instrument traditionnel d'Okinawa utilisé pour le renforcement des avant-bras et des poignets. Il est composé d'un manche en bois dont un des côtés est encastré dans un bloc de ciment, de pierre ou de métal et pouvant peser entre 3 et 15 kilos.
Donn F. Draeger : Donn F. Draeger, né le 15 avril 1922 à Milwaukee et décédé le 20 octobre 1982 à Milwaukee, était un pratiquant américain d'Arts Martiaux asiatiques et un auteur de livres sur ce même sujet. Il a joué un rôle important dans la fondation de la Judo Black Belt Federation (JBBF) qui est devenue la United States Judo Federation (USJF). Il est également celui qui initia Henry Plée, le pionnier du Karate Français.
Hanshi :
Celui qui donne (maîtrise extérieure et intérieure unifiées).
Correspond au 9ème Dan minimum.
Ce dernier titre est le plus élevé : c'est le fameux Shihan. Celui qui a tout reçu et qui, à son tour peut donner. Il possède un caractère et une moralité exceptionnels. Il a une excellente compréhension des techniques, de l'histoire et de l'esprit du BUDO.
Kami : Jarres de terre cuite dont le col fait une dizaine de centimètres et que l’on saisit avec les doigts (pouce replié) afin de développer la force de saisie, la stabilité dans les déplacements et apprendre à bien positionner les épaules. Au début les jarres sont vides, puis quand le pratiquant les manies avec aisance, on y ajoute un peu (voire plus) de sable tous les jours avant l’exercice. Le travail est donc progressif et respecte le corps.
Kancho : Maître de la maison, titre lié au Bouddhisme Zen et attribué à l'abbé du monastère. C'est également l'autorité suprême du style dans certaines écoles d'arts martiaux. Correspond au titre de Shihan ou de Soke.
Kote-kitae : C'est un exercice formel en Uechi-Ryu de conditionnement des avant-bras qui consiste au martèlement rituel des avant-bras d'un partenaire avec ses poings ou ses avants-bras.
Kyoshi : Il possède la maîtrise intérieure. Correspond aux 7ème et 8ème Dan et quelque fois 6ème Dan. Il a une connaissance approfondie des techniques et de la tradition des arts martiaux.
Makiwara : Poteau de bois de section rectangulaire planté verticalement dans le sol et dont la hauteur arrive approximativement à l'épaule. Le haut est entouré de corde ou de paille de riz. On l'utilise pour renforcer les coups avec les mains/poings ou les pieds.
Shikuwasa (Citrus depressa) : Le Shikuwasa (ou Shikwasa) est un agrume populaire à Okinawa. C’est en fait un petit citron vert d'un diamètre de 3 à 4 centimètres dont le goût et l'usage de ce fruit varient selon la période de récolte.
La cueillette de juillet à septembre servirait plus à accompagner les salades, poissons, viande ou bien marinade et celle à partir d’octobre, où le fruit perd un peu de son acidité, serrait utilisée en boisson rafraîchissante. Le Shikuwasa fait partie de l'alimentation saine des habitants d'Okinawa et contribue à leur bien être.
Shodokan : L'école SHODOKAN a été créée en 1933 par Maître Higa Seiko (1898-1966), qui fut élève des Maître Kanryo Higaonna et Chojun Miyagi.
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